Bancaire : Premier Titrage de Créances au Maroc
Le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a annoncé lors d’une conférence de presse à Rabat, le 24 juin, l’approbation du premier titrage de créances douteuses effectué par une banque marocaine. Cette initiative marque une étape historique visant à renforcer la solidité du secteur bancaire.
Une étude pour un second projet de titrage a également été dévoilée. Ces avancées s’inscrivent dans des efforts continus pour alléger les contraintes fiscales et parfaire le cadre réglementaire, en vue d’établir un marché secondaire dynamique pour ces créances.
Qu’est-ce que le titrage de créances douteuses ?
Le titrage de créances douteuses est un processus financier permettant aux banques de convertir des créances non remboursées ou à recouvrer en titres négociables. Son objectif est de libérer les bilans bancaires d’actifs dépréciés, améliorant ainsi la liquidité et réduisant les risques financiers, tout en soutenant la croissance économique. Cette démarche représente un outil moderne pour la gestion des créances, particulièrement face à la hausse des dettes douteuses.
Comment se déroule le titrage ?
Le processus de titrage des créances implique plusieurs étapes clés :
- Collecte des créances : Les banques regroupent un portefeuille de créances douteuses, sélectionnées selon des critères spécifiques
- Transfert à une société spéciale : Les créances sont cédées à une entité indépendante, nommée société de projet, à un prix réduit, séparant ainsi les créances des bilans bancaires pour diminuer les risques.
- Émission de titres : La société transforme ces créances en titres adossés à des actifs (ABS), proposés aux investisseurs sur les marchés financiers. Le succès de ces titres dépend de la capacité de recouvrement des créances.
- Distribution des rendements : Les revenus perçus des créances sont redistribués aux investisseurs, suivant les conditions d’émission.
- Gestion des risques : Les créances sont soigneusement évaluées pour identifier leurs risques, les titres étant souvent classés en différentes catégories de risque pour orienter les choix d’investissement.
Importance du titrage des créances douteuses au Maroc
Cette opération constitue une stratégie essentielle pour le secteur bancaire marocain, offrant plusieurs avantages :
- Renforcement de la liquidité : Permet aux banques de transformer des actifs non liquides en liquidités immédiates.
- Amélioration de la santé financière : Contribue à assainir les bilans bancaires, répondant ainsi aux normes internationales comme Bâle III.
- Réduction des risques : Transfère les risques de défaut à des investisseurs spécialisés.
- Soutien à la croissance économique : Libère des capitaux pour financer de nouveaux projets et stimuler l’économie locale.
- Création d’un marché secondaire : Favorise le développement d’un marché pour les créances douteuses, augmentant l’attractivité du Maroc comme centre financier régional.
Défis fiscaux et réglementaires
Néanmoins, plusieurs défis subsistent, selon Jouahri :
- Contraintes fiscales : Les règles fiscales actuelles obligent les banques à conserver les créances douteuses trop longtemps, augmentant les coûts et ralentissant le processus de titrage. Des modifications sont en cours avec le gouvernement.
- Cadre réglementaire : Bien que des avancées aient été réalisées, des renforcements législatifs sont nécessaires pour protéger toutes les parties prenantes, y compris les investisseurs et les débiteurs.
- Développement de la culture du marché : Le marché des créances douteuses au Maroc est encore à ses débuts, nécessitant des efforts pour sensibiliser les investisseurs aux avantages du titrage.
- Risques de valorisation : Évaluer de manière juste les créances douteuses est complexe, avec des implications potentielles pour les institutions financières.
Contexte économique et rôle de Bank Al-Maghrib
Cette annonce intervient alors que le volume des créances douteuses dans le secteur bancaire marocain atteint des niveaux préoccupants, nécessitant des solutions innovantes. Bank Al-Maghrib joue un rôle clé en établissant un cadre réglementaire propice à l’innovation financière tout en garantissant la stabilité du marché. La collaboration avec le gouvernement atteste de l’engagement de l’État à développer ce type de marché.
Perspectives d’avenir
Avec l’autorisation de ce premier titrage et l’examen d’un second projet, le Maroc fait un pas vers l’établissement d’un marché secondaire solide pour les créances douteuses. Cette initiative va au-delà d’un simple ajustement financier, constituant une stratégie pour stimuler la croissance économique et renforcer la confiance dans le secteur bancaire. Toutefois, son succès dépendra de l’assouplissement des contraintes fiscales, de l’amélioration du cadre réglementaire et de l’augmentation de la sensibilisation des investisseurs.



