Alerte sur une guerre hybride marocaine
Le général de l’armée espagnole, Émiliano José Arias Outeiro, a mis en garde contre une guerre hybride menée par le Maroc et a critiqué le gouvernement de Madrid pour ses concessions répétées, que selon lui, l’Espagne fait « sans contrepartie claire ». Il estime que cette situation expose le pays à des risques sérieux qui menacent sa souveraineté et sa sécurité nationale.
Pression marocaine et réaction espagnole
Dans une analyse publiée par le Centre supérieur d’études de défense nationale en Espagne (Ceseden), Outeiro, analyste au sein de l’état-major de l’armée, souligne que le Maroc applique une stratégie de pression systématique sur les villes de Ceuta et Melilla, en utilisant des outils non militaires tels que l’économie, la migration, la diplomatie et la technologie, souvent qualifiée de « zone grise » ou de guerre hybride. Cependant, il constate que la réponse espagnole demeure sporadique et insuffisante, sans stratégie de dissuasion claire.
Un équilibre des forces désavantageux
Selon l’analyse de Ceseden, relayée par la presse espagnole, le Maroc a entrepris, au cours de la dernière décennie, une modernisation sans précédent de ses forces armées, s’équipant de drones, de systèmes de défense aérienne et de frégates sophistiquées, avec le soutien des États-Unis, de la France et d’Israël. En revanche, le rapport avertit que l’armée espagnole pourrait perdre son avance qualitative si elle persiste dans cette approche « réactive ».
Outeiro indique que si le Maroc acquiert un surcroît de puissance militaire, il pourrait se retrouver dans une position de négociation plus forte, rendant plus difficile pour Madrid de défendre sa souveraineté sur Ceuta et Melilla. Il insiste sur le fait qu’une dissuasion réussie ne peut reposer que sur une supériorité militaire et diplomatique coordonnée.
Le silence des autorités
Depuis le début des années 2000, diverses stratégies de sécurité nationale espagnoles ont omis de faire mention explicite des revendications marocaines concernant les deux villes occupées. Ni le livre blanc sur la défense de 2000, ni les stratégies nationales de sécurité de 2011 et 2013 n’ont fait allusion à Ceuta, Melilla ou aux menaces marocaines. Même après la crise migratoire de mai 2021, le gouvernement espagnol s’est abstenu de désigner le Maroc dans sa stratégie de sécurité mise à jour.
Outeiro décrit ce « silence institutionnel » comme un affaiblissement de la dissuasion espagnole, précisant que le non-reconnaissance des véritables menaces « mine la crédibilité et nourrit la conviction marocaine qu’un escalade est possible sans répercussions réelles ».
Des concessions sans contrepartie
Le rapport critique la décision controversée du gouvernement de Pedro Sánchez de soutenir l’initiative d’autonomie marocaine pour le Sahara, sans contreparties claires pour l’Espagne, qualifiant cette position de « politique d’apaisement ». Outeiro avertit que céder sans gains en retour encourage l’autre partie à étendre ses revendications.
Une diplomatie inefficace
Bien que Madrid mise sur la diplomatie pour gérer les tensions avec Rabat, le général espagnol estime que cette voie a montré ses limites, en référence à des crises diplomatiques récurrentes entre les deux pays, telles que celle de l’île de Peñón en 2002 ou la visite du roi d’Espagne à Ceuta et Melilla en 2007.
Tactiques marocaines
Le rapport détaille les méthodes de pression utilisées par le Maroc, incluant l’utilisation de la migration comme arme en mai 2021, la fermeture des frontières commerciales avec Melilla en 2018, le espionnage électronique, et l’association de la coopération économique avec les positions internationales supportant l’initiative d’autonomie.
Protection de Ceuta et Melilla
Outeiro souligne que ces deux villes ne bénéficient pas d’une protection automatique au titre de l’article 5 du traité de l’OTAN, qui stipule la défense collective en cas de guerre. En cas d’attaque, l’Espagne ne pourrait activer que l’article 4, en appelant à consultation.
Le rapport conclut que « la dissuasion par le biais des alliés » n’est efficacement que partielle et ne doit pas être considérée comme le seul moyen de dissuader le Maroc.
Recommandations d’Arias Outeiro
Arias Outeiro conclut son analyse en formulant des recommandations urgentes : renforcer immédiatement les capacités militaires espagnoles, adopter une stratégie diplomatique unifiée et claire face aux revendications marocaines, réagir rapidement et de manière coordonnée aux tactiques hybrides, et rechercher une autonomie stratégique sans trop compter sur les alliés.
Il met en garde contre le fait que le Maroc continuera à opérer dans la « zone grise » pour maximiser ses gains à moindres coûts, sans provoquer de conflit armé direct. Outeiro rappelle que le développement de stratégies de dissuasion efficaces est une responsabilité nationale de premier plan. La nation doit démontrer sa volonté de protéger ses intérêts, tout en reconnaissant que ses adversaires testent sa volonté politique avant sa force militaire.



